Une saison unique – série finie
Année : 2013
Créateur : Jane Campion et Gérald Lee
Genre : drame
Acteurs : Elisabeth Moss, Holly Hunter, Peter Mullan
RESUME :
Tui, une jeune fille âgée de 12 ans et enceinte de 5 mois, disparaît après avoir été retrouvée dans les eaux gelées d'un lac du coin. Chargée de l'enquête, la détective Robin Griffin se heurte très rapidement à Matt Mitcham, le père de la jeune disparue qui se trouve être aussi un baron de la drogue mais aussi à G.J., une gourou agissant dans un camp pour femmes. Très délicate, l'affaire finit par avoir des incidences personnelles sur Robin Griffin, testant sans cesse ses limites et ses émotions…
MON AVIS :
J'ai découvert l'existence de cette série grâce à des conseils forumesques avisés. J'ai cependant mis un peu de temps avant de la regarder, surtout par peur du sujet et du traitement que Jane Campion, qui n'y va en général pas avec le dos de la cuillère, avait pu en faire. Et, effectivement, Top of the lake n'est pas le type de série à vous redonner confiance en l'humanité (quoique, cela dépend des personnages que l'on prend en considération). Mais elle m'a complètement envoutée.
Tui est une enfant de 12 ans. Tui est enceinte. Et elle et son ventre arrondi par cinq mois de grossesse disparaîtront dans un coin néo-zélandais à la beauté sauvage violente. Robin est flic. Robin se retrouve bouleversée par le destin de Tui et s'implique beaucoup trop dans l'affaire visant autant à découvrir qui a bien pu violer la gosse et où celle-ci se trouve. Matt est le père de Tui. Matt est aussi un baron local de la drogue qui semble avoir la moitié des habitants des alentours du lac dans sa poche. Il refuse de coopérer avec la police et essaie de retrouver sa fille par lui-même. G. J. a été foudroyée. G. J. a survécu et, depuis, elle vit entre deux mondes, le nôtre et le sien. Avec un groupe de femmes paumées, elle s'est installée à Paradise, sur ce qu'elle ne savait pas être les terres de Matt. Mais elle tiendra bon et en profitera pour offrir quelques observations tirées de son étrange sagesse à tous ceux venant la voir. Autour d'eux tous, le lac, superbe et cruel. Il protège comme il tue.
Pour tout vous dire, au départ, je n'ai pas plus accroché que ça à cette série. Déroutée par les accents à couper au couteau qui m'ont obligée à m'arrêter pour lire les sous-titres là où je pensais suivre Top of the Lake en travaillant, oppressée par une ambiance pas folichonne (mais bon, ce n'était pas non plus une surprise, le sujet demande ce type de traitement) mais, surtout, étonnée par la structure narrative différente de cette histoire, je ne me suis pas précipitée sur les épisodes suivants, même si j'avais envie de les voir. J'ai continué principalement parce que Jane Campion est derrière tout ça. Puis à cause de G. J., personnage déroutant qui a été ma première pierre d'achoppement à Top of the Lake.
C'est donc sans déplaisir mais sans hâte non plus que je me suis enfoncée dans ce récit se construisant par petites touches. Petit à petit, j'ai compris que Tui était une sorte de prétexte narratif, un révélateur permettant aux créateurs de nous raconter l'histoire d'un endroit et des drames qui le hantent. Puis, la toile se resserre autour de Robin (interprétée par une Elisabeth Moth diablement plus intéressante que dans Mad Men) pour nous montrer à quel point cette femme symbolise le lieu dans lequel elle est revenue vivre, elle qui avait fui la Nouvelle-Zélande pour l'Australie.
Et, je ne sais pourquoi, au quatrième épisode, j'ai complètement accroché et j'ai enfilé la fin avec une avidité qui m'a surprise. Cela n'a pas été dû aux révélations successives un peu trop faciles à deviner (mais là non plus n'est pas le but) mais plutôt au fait que je commençais enfin à saisir la vue d'ensemble et le but de cette série se présentant comme une enquête mais qui est avant tout un drame. J'ai fini le tout avec un énorme pincement au cœur et je suis encore un peu dedans maintenant.
Pourtant, le tout n'est pas réellement entraînant et accrocheur. En effet, nous nous retrouvons ici dans une histoire dans laquelle les femmes en bavent, les hommes semblant être pour la plupart des salopards finis, capables des pires bassesses et atrocités sans aucun état d'âme. Bizarrement, le tout n'en devient pas pour autant oppressant, surtout grâce aux moments de respiration de l'histoire, provenant principalement du personnage de G. J. Holly Hunter, actrice emblématique de Jane Campion pour son rôle dans film le plus connu de la réalisatrice, La Leçon de piano, interprète ici un personnage tout autant déroutant qu'attachant. Ressemblant à une « folle », c'est pourtant avec une sagesse instinctive et convaincante que G. J. aborde la vie et qu'elle conseille ceux venus la voir. On pourrait penser à la figure du gourou en l'évoquant, mais en fait non. G. J. est une outsider, une personne qui n'est non pas borderline mais entièrement de l'autre côté de la frontière. Elle a réussi à échapper à notre manière de vivre et de penser pour aborder la vie selon une philosophie mystérieuse, abrupte parfois mais étrangement séduisante. Alors qu'on la voit très peu, elle marque. C'est qu'en fait, G. J. est à l'image de la série qui lui donne vie : grâce à des paroles pouvant sembler convenues de prime abord, elle nous aide à découvre une vérité insoupçonnée qui nous étonne, nous travaille et finit par nous bouleverser.
Car Top of the Lake n'est pas une série préformatée comme celles qu'on a l'habitude de voir. De ce fait, elle peut dérouter et peiner à convaincre pour peu qu'on ne prenne pas le temps de la laisser s'exprimer. L'intrigue joue sur de faux rebondissements qui laissent la place à des émotions brutes mais amenées finement pourtant. Des fois, il ne se passe rien. Des fois, il se passe trop de choses. Le dosage n'est pas convenu. Mais sous ses allures sauvages – à l'image de la nature superbement mise en image ici -, Top of the Lake nous offre une histoire intime bouleversante.
Dès lors, si l'envie vous prend de regarder cette série, je n'ai qu'un seul conseil : ne vous arrêtez pas au premier épisode. Non qu'il soit déplaisant, après tout il m'a suffisamment plu pour que j'aie envie de regarder la suite. Mais il ne révèle pas tout et, surtout, il donne une fausse idée de ce que sera la série. Top of the Lake, c'est un tout de 350 minutes qui a été coupé en sept morceaux pour rendre la chose digeste. Mais il demande d'être considéré dans son entièreté pour être correctement jugé et pour laisser le temps à l'histoire de vous toucher.
Au final, Top of the Lake est une excellente surprise trop peu connue. Ce drame en sept actes aurait pu vite devenir étouffant, il est surtout bouleversant par ce qu'il construit au-delà de l'intrigue de base qui n'est qu'un prétexte à vous faire rentrer dans la vie des personnages. A découvrir.
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